A LA SOURCE DU CISTE DE CRÊTE

publié le 21 décembre 2025

[MOTS DU PARFUMEUR]

Le ciste est l’ambre de la méditerranée et parfume les maquis de ses côtes et de ses îles.

Ses racines sont partie intégrante de la Corse, de la Crête et de Chypre.

Cette dernière île donne son nom à un accord archétype de la parfumerie lorsqu’il s’associe traditionnellement avec la mousse de chêne, le patchouli et la bergamote.

Ses fleurs de papier roses ou blanches selon l’espèce sont inodores.

Tandis que son corps résineux, qui produit le labdanum, émane des odeurs d’encens, de bois secs et de puissantes effluves animales, évoquant l’ambre gris du cachalot et le cuir phénolique des castoréums.

Les multiples extractions de cette plante offrent un éventail de matériaux naturels pour le parfumeur créateur.

Le ciste est une plante pyrophyle ; tel un phénix, elle renait de ces cendres.

Leur graine germe grâce au feu.

[DE LA MATIERE A L’ESPRIT]

J’ai rédigé ce texte pour l’exposition polysensorielle De la matière à l’esprit, le premier HALO réalisé au Centre Culturel Alban Mainville en 2021.

La plante a été présentée dans un olfactorigami sous sa forme native.

Aujourd’hui, ce texte et ce système manuel de diffusion olfactive sont associés à une image d’une coupe de la plante réalisée en microscopie électronique ; une photographie imprimée en noir et blanc sur papier japonais kozo.

Cette association constitue l’exposition MicrocOSMé [μικρόκ ὀσμή] ©osmoart fruit d’une de mes réflexions olfactives artistiques d’après et de la précieuse rencontre avec les photographes Didier Cot et Bertrand Rebière, du collectif [La couleur des électrons].

Au début de l’année 2023, je me connecte à ce duo pour exposer mon idée de réalisation d’images en microscopie électronique de matières premières naturelles utilisées dans l’industrie du parfum.

[VOYAGE OLFACTIF]

Bien plus tôt, en 2009, jeune parfumeur je découvre le ciste de Crête.

Comme l’oranger est l’arbre magique du parfumeur, le ciste pourrait l’arbuste magique puisqu’il offre une large palette d’extraits.

Au sein de l’entreprise grassoise Payan Bertrand où je travaillais sont encore traitées les concrètes de ciste et de labdanum, par procédés traditionnels ou même la gomme-résine est craquelée par pyrogénation.

Jusque qu’alors, mes références olfactives étaient celles du ciste labdanifère et de quelques formules inspirées de la qualité du massif de l’Esterel où il fut un temps récolté pour être extrait dans le bassin grassois.

On trouve principalement la variété Cistus labdaniferus var. maculata dans le sud de l’Espagne, en Andalousie.

Cette passion de la botanique des plantes à parfum m’a naturellement dirigé vers la Crête et un ami, Dimitrio Nyktaris.

Cette année-là, il nous accueilli, l’équipe d’OSMOART, Fabrice Ferries (graphiste et webdesigner de ce site) et moi-même, pour la première fois sur son île.

Puis, ce mois de juin 2025, seize années après cette première visite, je suis missionné par Behave, société nantaise de sourcing de matières premières naturelles pour la parfumerie et l’aromatique pour créer la connexion avec les récoltants et évaluer le potentiel de cette produit.

Maxence Piquart, le fils de Stéphane, me rejoint sur le site.

[AMBRE VÉGÉTAL]

Cistus creticus, également nommé selon les botanistes, C. incanus subsp. creticus provient de la famille des Cistacées.

Cet arbuste méditerranéen exsude une gomme glutineuse très parfumée nommée labdanum.

La plante produit cette substance principalement en été, lorsque le rayonnement solaire est à son maximum en juillet et août.

Elle lui permet de se protéger d’une évaporation excessive qui entraînerait son flétrissement, puis sa mort.

Son essence est unique, chargée en molécule d’ambrinol et d’ambrox.

Elle embaume le maquis crétois sur un terroir bien délimité face à la mer, vers le nord de la méditerranée.

Cette situation lui confère une spécificité olfactive que la variété espagnole ne possède pas.

Elle est plus marine, similaire à l’ambre du cachalot.

Son surnom d’ambre gris végétal est largement mérité.

[AMBRE ANTIQUE]

Hérodote est l’un des premiers à rapporter que le ciste était déjà exploité de son temps.

A l’origine on récoltait sur le poil des chèvres qui courraient les campagnes sèches et arides une substance poisseuse que secrète et gorge les jeunes rameaux feuillus de cette plante par temps chaud, le labdanum.

C’est une coutume ayant apparemment perduré, puisque, plus tard, Dioscoride et Pline relatent des faits identiques.

[LADANISTERION]

Durant l’Antiquité, la Crète exportait du labdanum ; cette substance représentait alors une véritable richesse.

Le labdanum crétois était donc initialement récolté à l’aide de chèvres, encore présentent sur l’île pour des régimes crétois.

Par la suite, l’ingéniosité locale a permis l’invention d’un outil spécifique, le ladanisterion.

Sa structure rappelle celle d’un râteau, mais au lieu de dents, il était équipé de longues lanières de cuir.

Grâce au ladanisterion, les habitants brossaient les buissons de cistes, et la résine gommeuse s’y collait naturellement.

Je pense que ce procédé contribuait à accentuer cette facette olfactive cuirée particulière au labdanum.

Cette méthode est encore employée aujourd’hui et reste caractéristique de cette région du bassin méditerranéen.

Elle constitue le patrimoine olfactif de la culture crétoise.

Le croquis de l’outil a été réalisé par Joseph Pitton de Tournefort lors de sa visite en Crète, entre 1700 et 1702.

A la suite de ce nouveau voyage, Dimitrios Nyktaris me partage ces mots que je vous partage également.

« Tu sais quoi ? Trois grands naturalistes français sont passés par la Crète et ont reconnu la valeur du labdanum ! Le premier était Pierre Belon (1517-1564), suivi de Joseph Pitton de Tournefort (1700-1702), et bien sûr, le dernier mais tout aussi important, c’est Pierre Bénard (2025) – donc toi !

La Crète continue de cacher des secrets et des merveilles qui sont découverts encore et encore !

Je suis vraiment heureux de faire partie de cette histoire ! «

Je suis vraiment heureux de cette aventure olfactive !

Pierre Bénard Ségu